Saint Joseph

par le Père Bernard MICHON, récollection, 19 mars 2011

Saint Joseph, un homme qui est " ajusté ". Mais ajusté à quoi ? à son travail aux événements et à travers tout cela : à Dieu.

 

1.Saint Joseph, le Juste (Mt 1, 19). C’est le mot de l’Evangile.

Ce n’est pas un simple synonyme de « brave homme », ou d’ « homme de bonne volonté », mais beaucoup plus : il est le Juste. C’est presque un titre, un nom propre. Joseph n’est pas le premier juste : le juste par excellence dans l’Ecriture, c’est Abraham. Il y a aussi celui que le Seigneur appelle dans le livre d’Isaïe : « le Juste, mon Serviteur », et qui annonce le Juste par excellence : Jésus (Is 53, 11). Saint Paul nous dit aussi que nous sommes « justifiés par la foi » et non par la pratique de la loi (Rm 3, 28) : ce ne sont pas nos efforts (règles alimentaires, circoncision ou dévotions, par exemple) qui nous mettent au niveau de Dieu, c’est Dieu qui s’abaisse à notre niveau. Mystère de l’Incarnation qui prépare notre rédemption.

2.Saint Joseph est ajusté à son travail, à son métier : « N’est-il pas (Jésus) le fils du charpentier ? »

(Mc 6, 3). La Bible valorise le travail manuel : • Il nous apprend à être vrai : c’est une école. Avec les idées, on peut toujours discuter, passer à côté. Mais quand on a une réparation à faire, par exemple, elle est faite ou pas ; un travail est fini ou pas. Le travail manuel apprend à être vrai. • Le travail manuel nous révèle à nous-mêmes, nous fait connaître notre tempérament et nos limites. • Un mot de Marthe : « A Nazareth, la Sainte Vierge faisait tout avec exactitude » : c’est un travail précis, fini, sobre. Parfois, on a tendance à en rajouter ou à n’être jamais content,... Parfois aussi, on fait à moitié, on ne range pas ses outils,... Un travail fait avec exactitude : on ne cherche pas à prouver quoi que ce soit aux autres, c’est sobre.

Saint Paul veut travailler de ses mains pour rester libre à l’égard de ceux qu’il catéchise, pour n’être à charge de personne. A Thessalonique, certains chrétiens étaient un peu exaltés... alors il leur dit : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (2 Th 3, 10) ou bien, quand il s’agit de chercher des responsables de communauté, il demande qu’ils ne soient « Ni discutailleurs, ni exaltés » (1 Tm 2,2-3).

Le Père Finet dit que pour avoir tout son sens, toute son efficacité, le travail doit être offert : Dieu nous a mis sur terre pour qu’on fasse beaucoup de choses, qu’on soit actifs, utiles, qu’on travaille. Mais cela ne suffit pas... Pour que le travail ait toutes ses dimensions et son efficacité, pour qu’il soit une oeuvre vraiment humaine, il faut aussi qu’il soit offert à Dieu. Nous trouvons là tout le sens de l’offertoire à la messe : nous apportons au Seigneur notre travail de la semaine, toute notre vie, tout ce qu’on a vécu. C’est un des aspects de notre sacerdoce de baptisés. C’est aussi là le sens liturgique de la quête... La quête n’est pas d’abord une solidarité chrétienne ; c’est d’abord la dignité de pouvoir offrir quelque chose de soi à Dieu, un symbole de tout ce qui m’est passé par les mains durant la semaine. On lui offre un peu de nous-mêmes. Et notre travail va être ainsi déposé sur l’autel, en même temps que le pain et le vin. « Offrez à Dieu vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12, 1) Et on lui apporte aussi le monde entier avec les événements qui s’y déroulent, et d’abord avec ceux qui ne viennent pas à la messe,...


Joseph est ajusté aux événements :

• Joseph a eu à traverser des événements difficiles, qu’il n’aurait ni souhaités, ni imaginés : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte... car Hérode va rechercher l’Enfant pour le faire périr » (Mt 2, 13). En pleine nuit... Echapper à la police d’Hérode... Joseph chef de famille responsable de l’Enfant et de sa mère. Une petite semaine pour atteindre l’Egypte... Pays de sombre mémoire pour un Israélite... Tradition et langue différentes...

• Autre circonstance où Joseph est amené à faire ce qu’il ne souhaitait pas : « Apprenant qu’Archelaüs régnait sur la Judée à la place d’Hérode son père, il craignit de s’y rendre ; averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint s’établir dans une ville appelée Nazareth » (Mt 2, 22).

Joseph, comme responsable, doit traverser des événements difficiles. Il est même amené à faire ce qu’il ne souhaitait pas... Mais à travers tout cela, Joseph avance dans le réalisme de la foi, de sa confiance en Dieu. Souvent les choses ne se passent pas comme j’aurais pensé ou voulu... Les événements sont là... Il s’agit pour moi d’être souple et docile à Dieu à travers les événements. Mais comment avancer avec ces "coups durs" ? Comment être docile à Dieu, comment être "juste" ?

Quelques rappels élémentaires :

  1. Quoi qu’il arrive... se rappeler la promesse de Jésus : « Et Moi Je Suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Si il y a un jour où Jésus ne nous laisse pas tout seuls, c’est bien le jour où nous entrons dans une épreuve. Il faut se le dire quand on est paisible, afin de s’en rappeler à ce moment...

  2. Nécessité de "s’asseoir", pour réfléchir, pour peser les choses et les événements en la Présence du Seigneur et en s’appuyant sur sa Parole. Apprendre peu à peu à vivre cet événement en la Présence de Dieu qui ne m’a pas quitté. En 586, lorsque le peuple d’Israël a été exilé à Babylone, Dieu a quitté le Temple pour suivre son peuple en exil. Besoin de "s’asseoir" : faire un pèlerinage, une retraite, rejoindre un groupe de prière, lire la Parole, redécouvrir la prière silencieuse... C’était déjà le fondement du Sabbat : s’asseoir pour réfléchir et voir où on en est dans l’Alliance avec Dieu et aussi dans son travail, dans sa vie de famille, dans ses relations... Pour nous chrétiens, c’est maintenant le sens du dimanche.

  3. 3ème petit moyen : garder toujours à l’esprit des repères, des priorités : • Je ne me trompe jamais en faisant mon devoir d’état, i.e. ce que Dieu me demande « ici et maintenant ». Pour des gens mariés, la première chose que Dieu demande c’est de prendre soin de son conjoint ; pour un étudiant, c’est d’étudier ; pour un professeur de bien préparer ses cours... • Me rappeler que pour moi, comme pour les autres, la Miséricorde de Dieu n’a pas de limite. Aussi loin que le mal puisse aller, la Miséricorde de Dieu peut encore aller plus loin et plus profond... Elle ne finit pas... Même dans un psychisme démoli par la maladie, Dieu peut encore parler ; il peut rejoindre cette personne... Sa Miséricorde nous renouvelle, comme un printemps après l’hiver, même si l’hiver laisse des traces... Jésus est déjà vainqueur. • Dieu veut que nous devenions sa famille. Jésus nous fait devenir son Corps : nous avons un besoin vital de l’Eglise : Les sacrements, un conseil personnel, les "frères et soeurs" : un tissu ecclésial. « Un chrétien isolé est un chrétien en danger ». Dieu veut que nous ayons tous besoin les uns des autres, comme dans un corps. Les saints et les défunts sont nos compagnons de route bien réels à nos côtés. La Sainte Vierge aussi, avec Joseph.

Conclusion : être ajusté à Dieu, c’est tout cela : c’est faire sa volonté, au jour le jour... C’est s’asseoir pour la faire un peu mieux, et c’est un appel universel à la sainteté, pour devenir des témoins. Joseph n’a pas encore toute sa place dans l’Eglise... C’est d’abord un appel à le découvrir en vérité.


4.Saint Joseph aux côtés de l’Immaculée son épouse :

 « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse » (Mt 1, 20). A travers l’ange, c’est donc Dieu lui- même qui encourage Joseph à recevoir sous son toit et à ses côtés celle que Dieu lui donne comme épouse. J’insiste : c’est un vouloir divin. A nous de ne pas les séparer. Mais leur union n’est pas confusion. Leur amour réciproque est chaste, et même virginal. Qu’est-ce à dire ? N’est-ce pas d’abord une invitation à bien situer la sexualité dans l’ensemble de notre vie ? C’est un trésor, une magnifique responsabilité que Dieu nous confie. A chacun de devenir responsable – le mot-clé – de la sienne, afin de respecter celle des autres. Vue ainsi, la sexualité n’est pas un instinct, comme pour les animaux. Elle est au service de l’amour conjugal, elle n’est pas la priorité, elle ne prend pas toute la place, elle n’est qu’un moyen. Pour Joseph et Marie, le plus sûr est d’être attentifs à leurs regards mutuels. Parce que dans son enseignement aux disciples, Jésus insiste beaucoup sur l’éducation du regard. Avant de parler (« Jésus le regarda et dit... » Jn 1, 42), avant d’aimer (« Jésus le regarda et l’aima » Mc 10, 21), Jésus regarde. Marthe me disait un jour que toute la vocation de Pierre était dans ce premier regard de Jésus sur lui. Et pour en venir aux disciples et à leurs regards mutuels, Jésus prend comme exemple : « Quiconque regarde une femme pour la désirer... » (Mt 5, 28). Imaginons Marie regardant Joseph qui part au travail. Regardons aussi Joseph regardant Marie à ce moment ou au retour du travail. Regardons Jésus qui voit leur regard mutuel, de l’un vers l’autre. Sans paroles, Jésus apprend ainsi beaucoup, et cela le prépare à regarder plus tard ses disciples, les foules, Judas, la femme adultère... « Père, il me suffit de te regarder » disait à Antoine un de ses disciples, à la différence d’autres qui avaient tant de questions à lui soumettre. Au Foyer, nous vivons chaque jour notre consécration à Jésus par Marie et avec Joseph. Et souvent durant une journée bien des échanges, des paroles ou des difficultés commencent par un regard. Nous y gagnerons beaucoup à les prendre tous les deux comme modèles et éducateurs.